Les phytates sont-ils dangereux pour notre santé ?

Qu’est-ce que les phytates ?

Les phytates, aussi appelés acide phytique, sont naturellement présents dans de nombreux aliments d’origine végétale tels que les céréales complètes, les légumineuses, les noix et les graines. Ils jouent un rôle essentiel dans la plante : c’est sa manière de stocker le phosphore, un minéral vital à sa germination.

D’un point de vue chimique, les phytates sont constitués d’un cycle d’inositol entouré de six groupes phosphate, ce qui leur confère une grande affinité avec les minéraux. Dans notre intestin, cela peut poser un souci : en se liant au fer, au zinc, au calcium ou encore au magnésium, les phytates peuvent en limiter l’absorption. D’où leur réputation d’antinutriments.

Mais attention à ne pas s’arrêter à cette seule facette. Vous allez voir que les phytates ont aussi des propriétés bénéfiques largement sous-estimées.

Pourquoi les phytates sont parfois décriés

Leur capacité à piéger certains minéraux en fait un sujet de préoccupation, notamment dans les régimes exclusivement végétaux. Plusieurs études ont montré qu’une alimentation très riche en phytates, sans diversification ni bonnes pratiques culinaires, pouvait entraîner des carences en minéraux, surtout dans les zones du monde où l’accès à une alimentation variée est limité.

C’est de là que vient l’argument selon lequel les phytates représentent un « danger » pour la santé. Mais cela suppose une alimentation très peu diversifiée, dépourvue de vitamine C (qui favorise pourtant l’absorption du fer), ou sans  applications de pratiques comme le trempage, la fermentation ou la germination qui permettent une réduction de phytates dont nous parlerons un peu plus loin.

Dans un contexte comme le nôtre, en Europe, avec un accès à une large variété de produits et aux connaissances nutritionnelles, le problème est bien plus nuancé.

Les bienfaits des phytates : un bouclier naturel pour notre santé

Ce que l’on sait moins, c’est que les phytates sont aussi de formidables alliés pour notre organisme. Voici quelques-uns de leurs atouts :

  • Antioxydants puissants : ils neutralisent les radicaux libres, réduisant le stress oxydatif et l’inflammation.

  • Prévention des calculs rénaux : ils inhibent la cristallisation de certains composés dans les reins, évitant ainsi la formation de calculs.

  • Effet protecteur contre certains cancers, notamment colorectal, selon plusieurs travaux prometteurs.

  • Régulation de la glycémie : ils ralentissent l’absorption du glucose après un repas limitant ainsi les pics de glycémie qui fatiguent l’organisme.

  • Préservation de la masse osseuse : certains effets protecteurs sur la densité minérale osseuse sont à l’étude.

  • Impact sur la flore buccale et dentaire : les phytates intéressent aussi le monde dentaire pour leurs effets protecteurs.

Les phytates agissent comme des modulateurs métaboliques et des défenseurs invisibles de notre équilibre intérieur.

Comment réduire les phytates naturellement ?

Il est tout à fait possible de préparer ses aliments végétaux de manière à réduire leur teneur en phytates — sans sacrifier leurs bénéfices.

Voici les méthodes les plus efficaces :

Méthode Réduction estimée Astuce pratique
Trempage (12–24 h) –20 % à –60 % Changez l’eau au moins une fois pendant le trempage
Germination (2–3 jours) –40 % à –80 % Commencez avec des lentilles ou pois chiches
Fermentation –40 % à –98 % Idéale pour le pain au levain ou les préparations lactofermentées
Cuisson prolongée –20 % à –80 % Combinez avec trempage pour de meilleurs résultats
Ajout de vitamine C Non-réducteur mais augmente l’absorption du fer Associez les légumineuses avec poivrons, agrumes ou persil frais

Ce que certains professionnels oublient parfois de nous dire

Certains discours diabolisent les phytates, allant jusqu’à encourager l’éviction totale d’aliments végétaux de ses assiettes.

Mais ces propos manquent souvent de contexte scientifique. Car :

  • L’effet inhibiteur des phytates sur l’absorption minérale est temporaire, limité au repas concerné.

  • Les études montrant des carences sont souvent menées sur des populations à risque, ne bénéficiant pas de la diversité d’offre alimentaire que nous avons en Europe et en Occident.

  • Une bonne hygiène alimentaire, accompagnée d’une diversité de végétaux et de techniques culinaires traditionnelles, suffit majoritairement à éviter ces risques.

  • Enfin, de nombreuses recherches soulignent leurs effets positifs sur la santé osseuse, métabolique et même cognitive.

En tant que nutritionniste spécialisée en alimentation végétale, je vous invite à adopter une vision équilibrée et éclairée. Ce n’est pas le phytate qui est le problème, mais le contexte global de l’alimentation dans laquelle vous vous situez.

En résumé

  • ✔ Les phytates sont naturellement présents dans les végétaux, et ont une double casquette : potentiellement inhibiteurs d’absorption, mais aussi protecteurs pour votre santé.

  • ✔ Dans un régime végétal bien construit, ils ne posent pas de danger particulier.

  • ✔ Il existe des techniques simples pour réduire leur impact : trempage, fermentation, germination.

  • ✔ Plutôt que de les craindre, apprenez à les apprivoiser. Car ce sont souvent ceux que l’on accuse trop vite qui cachent le plus de trésors.

Sources utilisées pour la rédaction de cet article

  • Kumar V et al. “Phytate and phytase in animal nutrition.” Journal of Animal Physiology and Animal Nutrition, 2010.

  • Lopez HW et al. “Dietary phytic acid: consequences and solutions.” International Journal of Food Science and Technology, 2002.

  • Frontela C et al. “Effect of processing on the phytate content and mineral availability in legumes.” Food Science and Technology International, 2011.

  • Graf E, Eaton JW. “Antioxidant functions of phytic acid.” Free Radical Biology & Medicine, 1990.

  • Kumar A et al. “Inositol hexakisphosphate: Nutritional significance and therapeutic potential.” Life Sciences, 2014.

  • Hurrell RF et al. “Iron bioavailability in humans: a review.” International Journal for Vitamin and Nutrition Research, 2010.

  • Sandberg AS. “The role of phytate in mineral bioavailability.” International Journal of Food Science & Technology, 2002.

  • Harland BF, Oberleas D. “Phytate in foods.” World Review of Nutrition and Dietetics, 1987.